Page:Marais - Les Trois Nuits de Don Juan.djvu/212

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Lorderie remarque un couple, sur la chaussée : la femme est blonde, elle a la tournure de Denise ; son compagnon lui serre le bras, d’un geste galant. Jacques frémit : dire qu’ils se sont peut-être promenés ainsi ; elle lui a fixé des rendez-vous au dehors avant de l’introduire chez elle ! Ils auront dû vagabonder au Bois, goûter au Pré-Catelan ; ils se seront retrouvés dans les musées ; il lui aura déclaré sa flamme devant des débris de sculptures étrusques… La fièvre lui martèle les tempes et les poignets tandis qu’il reconstitue leur aventure. Et quand il songe qu’à cet instant, ils sont chez lui, dans sa maison… dans son lit, qui sait !… Et que chaque parcelle du temps qu’il perd à les rejoindre représente un baiser de plus… Lorderie mord la paume de sa main pour se soulager de sa frénésie par un acte brutal.

À présent la voiture, dégagée, file de nouveau, suivant des rues désertes.

Cette Denise ! Quelle audace inouïe se dissimule sous son front calme et quelle hypocrisie reflètent ses yeux sereins : elle ose recevoir un amant au domicile conjugal. Elle méprise toute