Page:Marais - Les Trois Nuits de Don Juan.djvu/286

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tendresse qui révoltait la vieille fille. Clarel déclara :

— Vous broyez du noir, en ce moment… Mauvais pour la santé, ça… Il faut remettre un peu de bleu sur votre palette. Vous êtes toujours seule, aussi… c’est déprimant, parfois, ce recueillement où se plaît l’artiste. Tenez : je vais vous forcer à vous secouer, moi ! Ma chère amie, je joue les pique-assiette afin de vous servir : je m’invite à dîner chez vous pour demain, huit heures. Vous voilà obligée de lâcher les papillons funèbres : le soin du menu vous réclame… Je suis très gourmande — vous savez — de cette gourmandise raffinée des gens qui n’ont jamais faim. Allez conférer avec votre cuisinière.


Francine prit son amie par les épaules et l’embrassa sur chaque joue. Thérèse eut un frisson de dégoût sous cette étreinte. Son regard sombre enveloppa Clarel. Et — se rappelant l’origine de la jeune femme — elle songea, indignée : « Est-ce leur race qui veut cela ?… Est-ce que, de siècle en siècle, le lait