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Page:Marais - Les bottes de l'ogre, Les Annales politiques et littéraires, 29-12-1918.djvu/4

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Le petit Poucet et ses frères erraient dans la forêt où leur mère les avait égarés. Le petit Poucet était le plus jeune fils de Frau Schutz, modeste épicière que quatre ans de guerre avaient ruinée au lieu de l’enrichir, car elle exerçait son commerce dans un bourg de Prusse rhénane trop souvent visité par les avions anglais.

Lorsque les hommes revinrent au village après l’armistice, Frau Schutz eut confirmation de la mort de son mari, tué sur le front ouest. Elle réfléchit, avec ce sens pratique qui distingue l’Allemande sentimentale, que son titre de veuve lui acquerrait une plus-value profitable dans ce pays où les veuves sont invitées à ne point perdre leur temps en regrets stériles, mais à conclure au plus vite de nouveaux mariages.

Gênée dans ses projets matrimoniaux par les six becs affamés que représentaient ses marmots, Frau Schutz avait choisi cette date du 24 décembre pour les abandonner, espérant qu’en cette veillée de fête une âme charitable recueillerait ses enfants.

Le petit Poucet n’avait pu songer à semer des cailloux sur une route où la neige tombante couvrait bientôt toute trace ; mais il eut l’idée de grimper sur un arbre afin de retrouver son chemin.