Page:Marais - Nicole, courtisane.djvu/244

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avec un visage de connivence qui ne salue pourtant point : je suis celle qui fait bande à part. Voici Odette, la maîtresse du directeur du Quotidien ; Yvonne Pearly, l’amie du banquier Haffner ; Suzanne, au bras du prince Rozanoff. Elles m’ont toutes rencontrée ; elles savent mieux que moi ce que valent mes perles ; et leurs amants se sont tous occupés de l’Affaire Colin, l’un parce qu’il dirige un journal, l’autre parce qu’il est à la tête d’une grande banque. En moins d’une minute, mon nom se chuchote à travers la salle ; je l’entends voltiger, murmuré comme un chant de grillon : « Nicole, Nicole… Nicole… » Le banquier Haffner m’observe discrètement ; mais, les inconnus — ceux qui remarquent que je fais sensation, sans savoir pourquoi — viennent me dévisager à trois pas, ainsi qu’une bête curieuse.

À ce moment, un vieux petit monsieur effronté se presse contre moi, l’œil égrillard, les joues allumées ; ose même me parler :

— La chance vous favorise-t-elle, mademoiselle ?

Je toise cet avorton impudent. Il prend ma grimace de mécontentement pour une réponse négative, et poursuit :