Page:Marais - Pour la bagatelle.djvu/139

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avec une simplicité pleine de profondeur :

— Il y a donc bien peu de jeunes filles qui aient lu Madame Bovary, pour qu’il y ait encore tant de femmes adultères ?

La comtesse de Francilly frémit de joie en entendant cette réflexion : c’était la joie de l’artiste qui voit son œuvre prendre corps, de l’utopiste dont la conception se réalise, du gageur qui a gagné son pari.

Camille était maintenant assez éveillée pour écouter l’ultime leçon d’expérience théorique que lui réservait sa mère ; et Mme de Francilly lui parla en ces termes :

— Ma fille, je suis heureuse de t’avoir inculqué la vraie sagesse, celle qui consiste à rester vertueuse par raison et non pas par innocence. Je t’ai donné une idée juste de l’amour, lorsque nulle poésie n’en déguise la vérité : si tu glisses jamais vers une aventure, si quelque beau parleur t’étourdit de déclarations, tu sauras que cette éloquence mensongère aboutit à cinq minutes de sincérité