Page:Marais - Pour le bon motif.djvu/130

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Je n’avais pas prévu sa force : son bonheur m’a touchée, sa reconnaissance m’a remuée d’attendrissement et de honte. Comprenez-vous ? C’est moi-la plus faible, maintenant. Je crois que je l’aime… Je sens en face de lui cette émotion bouleversante qu’on éprouve à voir des larmes contenues humecter les yeux d’un homme ; car, il y a eu des larmes de joie dans ses yeux, certains jours… Et je suis sincère, à présent, quand je parle comme vous m’avez entendue parler… Et je hais mon mensonge des premiers temps… Je tremble d’avoir tenu entre mes mains cette arme dangereuse : la tromperie. Je ne souhaite plus de rendre à un autre le mal qu’on m’a fait. J’ai une peur terrible qu’il ne découvre notre supercherie : je souffre — si vous saviez — à cette idée !… Que deviendrais-je s’il apprenait la vérité qui n’est plus vraie aujourd’hui ; s’il acquérait la preuve de ma fausseté à l’instant où je suis sincère !

— Prenez garde : si vous devenez sincère vous serez beaucoup moins persuasive… En amour comme en politique, la franchise n’est jamais aussi convaincante que la fourberie.