Page:Marais - Pour le bon motif.djvu/191

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la tête haute, sans rougir de sa conduite. Cette supériorité sur ses sœurs la rendait implacable ; quoi qu’elle décrétât, quel que fût le mobile occulte de ses actes, elle faisait son devoir.

Le tumulte de ses réflexions l’agitait jusqu’en son corps : elle marchait de long en large à travers sa chambre dans une frénésie de mouvement, un bouillonnement de tout l’être. Chez les nerveux, cet état de trépidation fébrile développe une étrange inspiration : leur imagination entre en ébullition, leurs idées se précipitent ; une lucidité particulière illumine ce désordre et le coordonne. C’est dans ce moment de surexcitation passagère que l’esprit improvise ses grands desseins.

Suzanne conçut tout à coup un plan clair, simple et décisif.

Elle monologua, tout en cherchant son chapeau et ses gants : « Gilberte oscille comme un pendule ; sa raison balance de droite à gauche ; elle finira par tomber du côté où l’enverra la dernière impulsion. Ce qu’il faut, c’est commettre l’irréparable avant elle — pour l’en empêcher. »