Page:Marais - Pour le bon motif.djvu/208

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crut que Suzanne lui était envoyée par Gilberte : la nature du message se devinait rien qu’au caractère de la messagère.

« Décidément — songea Marcel — la vie n’est pas assez artificielle… Dans une pièce de théâtre, mon moyen eût obtenu beaucoup d’effet… dans la réalité, il rate piteusement. Ton expérience est concluante, mon cher : on ne peut pas agencer une intrigue avec des personnages de chair et d’os ; les ficelles cassent, et les pantins démantibulés refusent d’obéir à la main qui les actionnait. »

Il ouvrait la porte ; et s’effaçait devant Suzanne :

— Entrez, Mademoiselle.

Dans le noir, à tâtons, elle se dirigea à droite, vers le salon qu’elle connaissait bien. L’électricité jaillit. Suzanne, un peu étourdie par cette brusque lumière, se retourna. Marcel lui vit une figure farouche et bizarre ; il fut surpris de l’altération de ses traits ; de l’émotion qui se lisait sur ses lèvres palpitantes, dans ses yeux foncés qu’assombrissait la barre rageuse des sourcils rejoints. Elle eut un geste, pour relever une