Page:Marais - Pour le bon motif.djvu/210

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en lisant vos pièces. Et je vous admirais, dans ce temps-là — ou plutôt, j’admirais votre talent… Je m’étais si bien imprégnée de votre esprit, de vos conceptions, de vos opinions, que j’arrivais à employer vos tournures de phrases en causant ; à ressembler inconsciemment à vos héroïnes… J’en rêvais… Je vivais dans cet état de demi-rêve — vous savez — après une lecture obsédante où, sous l’effet d’une suggestion ensorcelante, on se crée un monde chimérique dans lequel on existe, on parle, on agit comme un personnage de Marcel d’Arlaud…

Marcel l’écoutait avec stupeur, se disant d’abord : « En voilà une drôle de façon de me quereller ! » puis, soudain, illuminé d’une clarté subite : « Ah ! Diable… Et moi qui ne m’en étais jamais douté… mais ça saute aux yeux ! » Il éprouvait cet étonnement ingénu des psychologues professionnels — souvent si mauvais psychologues en ce qui les touche personnellement.

Suzanne continuait, le visage tendu et les yeux durs :

— J’aurais pu devenir votre alliée, j’en étais capable ; mais vous m’avez éliminée dès le dé-