Page:Marais - Pour le bon motif.djvu/254

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Suzanne rassembla tout son courage ; et poursuivit :

— Monsieur d’Arlaud, je me doute de ce que vous venez faire ici… du moment, qu’après la scène d’hier, vous voulez voir papa… Eh bien, je vous déclare que votre démarche est inutile… Si vous y êtes poussé par des scrupules, je vous en délie ; par des regrets, je vous en fais grâce ; par de la pitié : je vous défends d’en éprouver à mon endroit… Vos scrupules, vos regrets, votre pitié, c’est autant de poignards que vous m’enfoncez dans le cœur. Et je ne veux pas…

— Vous ne voulez pas que je vous aime ?

Suzanne se roidit contre son émotion pour balbutier, d’une voix enrouée :

— Vous ne m’aimez pas.

Elle insista, avec une rancune douloureuse :

— C’est Gilberte que vous aimiez.

Marcel, qui jouissait profondément, en sensuel sentimental, de cette crise de passion blessée, répliqua avec une douceur railleuse :

— Oh ! certes… Et j’ai désiré Nelly Rosane, aussi ; et j’ai désiré bien d’autres femmes avant de vous chérir, ma chère petite innocen-