Page:Marais - Pour le bon motif.djvu/255

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te. J’ai le double de votre âge, hélas ! et vous possédez sur moi cette rare supériorité de n’avoir gravé qu’un seul nom sur le socle de votre idéal. Mais je ne connais que vous, aujourd’hui.

Incrédule, Suzanne insista :

— Pourtant, vous aimiez Gilberte hier ?

— Je le croyais. Mais j’étais, sans m’en douter, sous votre influence. L’amour attire l’amour. Quoi qu’en puissent prétendre les coquettes, c’est bien plus en aimant qu’en se laissant aimer qu’une femme parvient à se faire désirer d’un désir ardent. Que m’importe, à présent, cette Gilberte insensible et glacée ? J’ai éprouvé l’attendrissement délicieux de provoquer l’explosion d’une passion jeune et Vibrante… Une seule femme existe à mes yeux : c’est la fillette exquise qui s’est jetée dans mes bras !

Suzanne eut envie de répliquer : « Vous ne disiez pas cela, l’autre soir. » Mais elle se rappela les éclaircissements du banquier sur cette question délicate ; et se tut, songeuse, avec une petite moue qui signifiait : « Est-ce que cela sera toujours pareil ? »