Page:Marais - Pour le bon motif.djvu/42

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l’intéressait, par sa réserve énigmatique de timide intelligente. Quant à Gilberte, il n’osait approfondir les sentiments qu’elle lui inspirait. Sentiments complexes : la ressemblance frappante de cette enfant ingénue avec Nelly Rosane, l’experte comédienne qui jouait Yvette, le troublait étrangement : la bouche pure de Gilberte souriait avec les lèvres savantes de Nelly ; le regard candide de la vierge évoquait la fausse candeur des prunelles de l’actrice ; l’innocence se faisait le sosie du péché : piment raffiné pour Marcel. L’écrivain s’était cru amoureux de Nelly ; un auteur se croit toujours un peu amoureux de son interprète : ce qu’il aime en elle, c’est le reflet du rôle qu’elle incarne. Il voit sa pensée prendre corps, il a l’espoir d’étreindre son rêve ; et Pygmalion tombe aux pieds de sa statue vivante. Or, Mlle Rosane avait repoussé son auteur. Marcel était vindicatif : son imagination et son cœur travaillaient en face de Gilberte… Le cerveau fertile de l’écrivain élaborait déjà des péripéties, devant cette vengeance blonde et rose qui semblait s’offrir à lui.

Il s’écria :