Page:Marais - Pour le bon motif.djvu/73

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— On peut plaire sans être beau ; objecta Nelly, avec l’instinct flagorneur des courtisanes, qui succédait à ses accès d’humeur.

— Je vous croirais peut-être, si j’étais joli garçon ! gouailla Abel. Être aimé pour moi-même !… … Mais j’ai tenté dix fois l’expérience, ma mignonne… J’allais passer l’été dans un joli petit trou pas cher, sous un nom d’emprunt, dans un hôtel à cent sous par jour… Je courtisais les petites grues de l’endroit ; blackboulé, je me rabattais sur les jeunes filles à marier… Je me faisais passer pour un petit fonctionnaire en vacances… Quelle veste, mes amours ! Je n’ai jamais eu de succès que dans le monde où l’on sait que je possède quelques millions, en train de faire des petits dans la banque fraternelle… Voilà pourquoi je n’ai pas voulu me marier avec une ingénue qui m’eût trompé ; ni faire l’imbécile, comme mon frère Henry, avec de jolies maîtresses qui m’eussent ridiculisé…

Henry Salmon déclara avec une indulgente rosserie :

— La douce manie d’Abel consiste à démontrer, qu’en toute circonstance, il reste le Fran-