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Page:Marais - Trio d amour.pdf/137

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pirant l’odeur pénétrante de l’herbe mêlée à la tiédeur de l’air.

En auto, Adrienne n’avait pas desserré les dents ; maintenant, elle refusait de manger, se bornant à rafraîchir son palais brûlant, sa langue sèche, en buvant de pleins verres de chablis ; et l’action du vin congestionnait ses joues fiévreuses.

Edmond, embarrassé par cette attitude, ne savait que dire ; devenait maussade… Il était piqué — involontairement — que la pensée d’un autre absorbât autant une femme, en sa présence. De lui avoir avoué aussi brutalement sa passion pour Robert, Adrienne lui apparaissait sous un jour nouveau : c’était une inconnue toute différente de la fillette docile, songeuse, réservée, qu’il avait vue grandir chez son ami Forestier ; et protégée d’une affection apitoyée et déférente, lorsqu’elle était devenue malheureuse. Il la contemplait avec moins de respect et plus de curiosité. Il ne parvenait pas à retrouver sa petite Adrienne, dans cette fille ardente au visage ravagé d’amour. Et, dépité de la sentir si lointaine, Descombes avait la coquetterie de vouloir attirer l’attention de cette dame