Page:Marais - Trio d amour.pdf/53

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sonne ; je me croyais sérieuse, puisque j’ai atteint mes vingt-cinq ans sans avoir commis de bêtise… Et c’est un monsieur marié, partagé entre sa famille et ses plaisirs, que je m’en vais choisir sottement !

Atterrée, consternée, elle résumait sa situation avec la lucidité des désespérés :

— Ça date de notre première entrevue… Ses yeux bleus m’intimidaient délicieusement et le petit coin mouvant de ses lèvres m’attirait, quand il parlait… Je me suis imaginé qu’il m’inspirait une affection déférente : son âge me rassurait… Étais-je folle ! Comme si les femmes ne sont pas toutes les mêmes : dès que nous éprouvons, à l’égard d’un étranger, un autre sentiment que l’indifférence, à quoi bon nous donner le change ?… Nous prononçons le mot : amitié, mais c’est le diminutif d’amour.

Adrienne ne retirait aucun regret, aucune honte de sa découverte. Elle ne murmurait pas : « Si j’avais su ! » Elle en était encore à la première période de sa passion, la période de violence et de fougue où l’on se dit : « Je veux ! » en ne