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Page:Marais - Trio d amour.pdf/80

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à songer que, sous l’inspiration de sa seule fantaisie, elle avait eu ce pouvoir magique de jeter du mystère dans la vie de quelqu’un.

Maintenant, chaque fois qu’elle se regardait dans la glace, Adrienne avait l’illusion d’apercevoir deux figures au fond du miroir : la sienne et l’ombre de Mistiche. Elle les comparait.

Indéniablement, la petite actrice emportait l’avantage, de prime abord : sa jeune chair satinée était adoucie, embellie, veloutée par des soins répétés ; ses cheveux teints et travaillés avaient l’éclat d’un métal blond ; ses traits puérils de fillette possédaient le charme attendrissant de l’adolescence ; et la niaiserie même de sa physionomie la parait d’une grâce naïve.

Mais lorsque Adrienne s’examinait à son tour — chassant la vision de l’autre — elle avait le sentiment de sa propre supériorité, en dépit de ses doutes et de sa modestie.

Oui, aux yeux d’une poignée de snobs, Mistiche — plus manégée, plus élégante — eût obtenu la préférence. Mais cette petite blonde insignifiante, cette joliesse de chromo, tirée à dix mille