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Page:Marais - Trio d amour.pdf/92

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Aujourd’hui, paresseusement étendu sur le rocking-chair de la terrasse, il se balançait en fredonnant l’un des couplets de la nouvelle revue du Théâtre-Parisien. Mistiche y débitait deux petits rôles où elle soignait l’effet de son sourire plutôt que sa diction ; où elle dansait mal, montrant de jolies jambes plus potelées qu’agiles. Mais au troisième tableau, elle obtenait chaque soir un succès de beauté en mimant des scènes lascives dans le décor d’un temple hindou. Et Robert évoquait, avec un plaisir vaniteux, la blonde bayadère de fantaisie dont le jeune corps désirable, orné simplement de verroteries, tournait lentement sur lui-même avec un cliquetis de colliers.

Cécile surveillait jalousement cette rêverie. Un instinct subtil l’avertissait de cette trahison mentale. Elle considérait, d’un regard presque haineux, les yeux mi-clos et le grand front hâlé de Robert. Quel supplice !… Ne pouvoir anéantir les pensées qui s’agitaient dans cette tête d’homme ; subir, impuissante, l’affront d’une présence occulte entre elle et son mari : le souvenir de cette inconnue à laquelle il songeait, rentré au logis. Et