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J.-P. MARAT

À Rome, il visita les ruines des monumens antiques, tristes et précieux restes de la magnificence d’un peuple dont il connaissoit si bien l’histoire. Il examina aussi les chefs-d’œuvre du ciseau de Praxitèle, de Phidias ; et les chefs-d’œuvre du pinceau de Michel-Ange, de Voletère, de Raphaël, etc. Quoiqu’il n’eût pas fait une étude particulière des beaux-arts, il en jugeoit en homme de génie accoutumé à observer la nature. Quant aux beautés de la composition[1] dont les principales sont communes à la poésie, personne n’en sentoit mieux le sublime.

Il parcourut enfin les côteaux fortunés et les plaines fertiles de la Calabre ; pays délicieux, où la nature étale sa pompe et ses richesses ; où le peuple ne respire que la joye, et jouit surtout de son oisiveté.

N’ayant plus rien à voir en Italie, Montesquieu alla en Suisse, séjour des mœurs simples, du bon sens et du bonheur.

Ensuite il visita les Provinces-Unies, monument merveilleux de l’industrie humaine, animée par la nécessité et l’amour de l’or.

Enfin il se rendit en Angleterre, asile chéri de la liberté, où il se fixa deux années consécutives. Il s’y lia étroitement avec des hommes accoutumés à méditer, et c’est surtout dans leur commerce qu’il puisa la profonde connoissance qu’il avoit du gouvernement de cette isle fameuse.

Comme il examinoit tout de l’œil du sage, il ne rapporta de ses voyages, ni prévention pour les étrangers, ni dédain pour ses compatriotes. Il résultoit de ses observations, que l’Allemagne est faite pour y voyager, l’Italie pour y séjourner, l’Angleterre pour y penser, et la France pour y vivre !

  1. On peut voir là-dessus différens articles de son Essai sur le goût.