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Page:Marat - Éloge de Montesquieu, éd. Brézetz, 1883.djvu/58

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J.-P. MARAT

Enfin, accueillant avec soin tout ce qui influa sur la fortune de ce peuple fameux, il rapproche, combine et arrange avec tant d’art ces pièces éparses, qu’elles offrent un ensemble parfait, un système de politique aussi vaste que frappant. Ainsi, à la vüe des ruines dispersées autour des fondemens, un savant architecte traceroit d’une main hardie le plan de l’édifice majestueux qu’elles formèrent autrefois.

Au nombre des causes de la grandeur des Romains, Montesquieu met la constitution de Rome, qui ne laissant d’autres professions aux citoyens que celles des armes, transforma la nation entière en une nation de guerriers.

Leur état constant de guerre, qui les rendoit toujours prêts à l’attaque, toujours prêts à la défense.

L’étude continuelle de l’art militaire et la profonde connoissance qui en étoit le fruit ; connoissance qu’on acquiert rarement dans des expéditions passagères, où la plupart des exemples sont perdus.

L’amour de la patrie qu’on leur inspiroit dès l’enfance, et qui en fesoit des défenseurs intrépides ; l’espoir du butin et du pillage qui redoubloit leur audace.

La dureté des travaux et des exercices militaires qui les rendoit si propres aux fatigues de la guerre, et si redoutables dans les combats.

La peine de mort portée contre les fuyards, qui ne laissoit aux combattans que l’alternative de vaincre ou de périr.

La rareté des désertions, suite de l’amour de la patrie qui animoit les soldats, du désir de conserver leur fortune, et de la haute estime qu’ils avoient d’eux-mêmes ; des hommes si fiers ne pouvant songer à s’avilir jusqu’à cesser d’être Romains. L’empressement d’adopter les armes qu’ils trouvoient les meilleures, et de se procurer les autres avan-