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J.-P. MARAT

port aux principes des gouvernemens. Ces loix seroient superflues dans la démocratie, où les citoyens ne doivent avoir que le nécessaire : elles sont indispensables dans l’aristocratie, où le luxe corrompt les mœurs ; et elles seroient nuisibles dans les monarchies, où l’inégalité des fortunes et le luxe qui en est la suite doivent être naturalisés. Par les mêmes raisons, les loix contre le relâchement des mœurs et l’incontinence des femmes doivent être sévères dans les républiques ; elles peuvent être plus douces dans la monarchie, où la vertu est moins nécessaire.

Après avoir montré comment les principes des gouvernemens se conservent, il falloit montrer comment ils se corrompent. Celui de la démocratie se corrompt lorsque les citoyens ne peuvent souffrir aucune inégalité entr’eux, ce qui produit l’amour de l’indépendance et mène à l’anarchie ; ou bien lorsqu’une trop grande inégalité s’établit parmi eux, ce qui amène le luxe, la corruption des mœurs, la vénalité et l’oppression. Celui de l’aristocratie se corrompt lorsque le pouvoir des nobles devient arbitraire. Celui de la monarchie, lorsque le prince enlève peu à peu les prérogatives des villes, des corps intermédiaires et des différens ordres de l’État.

En approfondissant les rapports de l’étendue de l’État avec le principe du gouvernement, l’auteur démontre qu’une République ne peut subsister qu’autant qu’elle est bornée à un petit territoire, parce que les chefs doivent toujours être sous les yeux du peuple. Une monarchie ne peut subsister qu’autant qu’elle forme un État d’une grandeur moyenne, parce que les grands doivent être toujours sous les yeux du prince. Mais le despotisme peut convenir aux vastes États, parce que la promptitude des résolutions supplée à la distance des lieux où elles sont envoyées, et que la crainte retient les ministres du prince.

Pour conserver les principes du gouvernement, il faut