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J.-P. MARAT

Enfin, ils ont reproché à l’Esprit des Loix un déffaut de méthode ; reproche moins ridicule, mais non moins fondé. Les différentes parties de ce traité de législation ont différens rapports entr’elles. Les mêmes objets doivent donc revenir quelquefois dans le cours de l’ouvrage. Et peut-on se flatter de l’avoir entendu, quand on n’a pas vu cela ? Mais ces rapports n’étant pas tous également étroits, leur connexion n’est pas toujours des plus sensibles. D’ailleurs, l’auteur ayant ménagé peu de transitions, et le passage d’une idée à une autre n’étant pas toujours nuancé, la méthode qui y règne est peu frappante : il faut quelque attention pour la sentir.

Au reste, loin de reprocher à l’Esprit des Loix de manquer de méthode, quand on considère la vaste étendue du plan de cet ouvrage, l’étonnante variété des matières qu’il embrasse, l’immensité des lectures qu’il suppose, on n’est plus étonné que de l’ordre qui y règne. Ainsi, tandis que de ridicules censeurs s’épuisent en critiques sur l’Esprit des Loix, le sage prend le livre et joint les mains d’admiration.

Mais quoi ! une réfutation dans un éloge ? N’en doutez pas. Messieurs, elle étoit indispensable : c’est rendre à la gloire de l’auteur tout son lustre, que de rendre à son principal ouvrage toute la perfection que l’ignorance présomptueuse a voulu lui faire perdre.

Tandis que des écrivains sans nom se tourmentoient à chercher dans l’Esprit des Loix des déffauts qui n’y sont pas ; les écrivains du premier mérite n’y voyoient que les beautés en tout genre dont il brille ; et l’estime publique s’empressa de faire oublier à l’auteur les petits désagrémens que l’éclat de sa réputation lui avoit attirés.

Parmi tant de témoignages flatteurs qu’il en reçut, en voicy qui ne sont pas équivoques :