Page:Marat - Les Pamphlets, 1911, éd. Vellay.djvu/109

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Il est certain que la France entière est remplie d’accapareurs ; il est certain que ces accapareurs font monter très haut le prix du blé[1] ; il est certain qu’ils en exportent une énorme quantité dans la Flandre Autrichienne, et il est certain que le gouvernement n’a pris aucune mesure sérieuse pour empêcher ces accaparements, pour s’opposer à ces exportations. Or, ne faut-il pas renoncer au sens commun, pour prétendre que ces coupables manœuvres sont des spéculations individuelles ! Le seul but des accapareurs est le gain considérable qu’ils se promettent sur le blé, lorsqu’ils auront amené la disette. Mais est-il naturel qu’ils commencent par faire d’énormes sacrifices, dans l’espoir d’un profit plus que douteux, tant que leurs manœuvres ne seraient qu’une entreprise à leur compte, et tant qu’elles n’auraient pas l’appui[2] du pouvoir exécutif ? Et est-il concevable que pour l’appas d’un gain si douteux, de simples particuliers eussent la témérité de s’exposer à la juste fureur du peuple, s’ils n’étaient sûrs de l’administration, qui a malheureusement enchaîné toutes les municipalités du royaume, au moyen des aristocrates qui Les composent ? Est-il probable que des monopoleurs fussent assez stupides pour enlever des grains à la France, et les aller revendre chez l’Empereur à un prix fort au-dessous[3] de celui qu’ils

  1. À Soissons, ils ont fait monter le prix du septier, de 130 à 240 livres. (Note de Marat)
  2. Ils seraient plus qu’incertains, si c’étaient des entreprises privées, parce qu’il est plus que probable que les accapareurs deviendraient eux et leurs magasins la proie du peuple ; que le gouvernement lui-même, de concert avec les municipalités, prendrait, pour réprimer ces abus criants, de si bonnes mesures, qu’aucun n’échapperait.

    On vient de voir avec scandale le zèle qu’ont déployé contre les habitants de Vernon les Représentants de la Commune parisienne, pour sauver un homme suspecté d’être un accapareur ministériel : tandis qu’ils n’ont rien fait pour sauver le pauvre boulanger. (Note de Marat)

  3. Le prix du blé dans les Pays-Bas autrichiens est fort au-dessous de celui qui se vend à la Halle de Paris. (Note de Marat)