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à l’impuissance de nourrir leurs enfants ! Quelle barbarie, que de ne laisser à un peuple immense qu’un aliment insalubre[1], qui délabre la santé, et produit des épidémies !

Je ne sais quel nom donner à ces crimes odieux : de quelque prétexte qu’on les couvre, ils font horreur ; et l’homme atroce qui en est coupable est digne du dernier supplice[2].

Mais cette infâme spéculation a tant d’appas pour M. Necker, qu’il y tient plus que jamais. Outre les moyens qu’elle lui donne de se soutenir, en faisant face aux dépenses du gouvernement et de la maison royale, elle le rend maître de l’estomac du peuple ; elle lui fournit l’occasion de le mettre en fureur à volonté, en lui retirant sa nourriture ; et elle lui ménage le prétexte d’avoir à son commandement des forces suffisantes pour l’asservir, en feignant de vouloir l’apaiser ; et pour enchaîner ensuite la capitale, d’après laquelle tout le royaume reçoit son impulsion.

L’odieuse spéculation de l’administrateur des finances n’est qu’un tissu d’horreurs, et ces horreurs sont encore loin de leur terme.

  1. Comme le pain est encore d’une qualité détestable par tout le royaume, il est impossible que l’on ait tiré de l’étranger assez de grains gâtés pour l’infecter depuis onze mois.

    Il y a donc là-dessous quelque mystère d’iniquité. Les districts patriotiques ne doivent rien négliger pour le percer, soit en faisant saisir les grains à leur entrée dans l’École militaire, et dans les autres dépôts ministériels, soit en y faisant des perquisitions exactes. Que penser du soin que met le comité des recherches à le dérober au public ? comme s’il était vendu à l’accapareur général, comme s’il convivait avec lui ! (Note de Marat)

  2. Si se jouer de la vie des hommes, après les avoir réduits à la misère, est un crime atroce ; pallier ou dissimuler ces abus, travailler à les perpétuer par une basse prostitution aux vues de l’administrateur des finances, est un crime affreux, qui rend ses coupables auteurs indignes à jamais de la confiance publique, et qui doit porter la commune à les couvrir d’opprobre. Mais à la manière dont ils prennent en patience les maux du peuple, ne dirait-on pas qu’ils ont trouvé le moyen de ne pas y être exposés ? (Note de Marat)