Page:Marat - Les Pamphlets, 1911, éd. Vellay.djvu/154

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lequel s’élèvent de toutes parts les cris des malheureux qu’il a opprimés ; un homme enfin dont[1] les liaisons sont honteuses, et dont le nom seul est un opprobre ; un Flandre de Brunville ; un homme à qui la voix publique reproche mille infamies ; un homme livré à tous les penchants qui déshonorent l’humanité ; un homme vendu au pouvoir, un lâche suppôt de la tyrannie, un vil esclave de la soif de l’or, un fils dénaturé qui, dans l’espoir de frustrer ses créanciers, foule aux pieds le devoir, la pudeur, la nature, pour attenter à la liberté, au repos, à l’honneur d’un père respectable, et faire périr de douleur dans une maison de force l’auteur de ses jours[2] ; un monstre indigne de voir la lumière des cieux ; un monstre que tous les peuples du monde pour qui la justice n’est pas un vain mot eussent fait périr, par un supplice infamant, qui eût été mis en croix chez les Hébreux, lapidé chez les Suisses, et livré aux bêtes féroces chez les Romains.

Tels sont, ô Français ! les hommes qui pour de l’argent ont acquis le droit d’être juges dans leur propre cause ; le droit de vous accuser, de vous arrêter, de vous condamner, de vous opprimer ; le droit de disposer à leur gré de votre liberté, de votre repos, de votre honneur, de votre vie. Tels sont les chefs de ce tribunal gothique, commis par l’Assemblée nationale pour connaître des crimes de lèse-nation, pour venger le peuple, et punir ses oppresseurs : tels sont les hommes qui tiennent entre leurs mains vos destinées. Voyez-les redoubler d’efforts pour absoudre les ennemis de la patrie, et accabler ses défenseurs. Ô honte ! ô désespoir ! mon cœur se fend de douleur, tout mon être se dissout, et ma vie est prête à s’écouler par des larmes de sang.

  1. C’est l’ami intime de l’infâme Lenoir. (Note de Marat)
  2. Il est notoire que le sieur de Brunville a fait renfermer son père à Charenton, pour se dispenser de remplir les engagements qu’il avait contractés envers un homme dont il retenait les possessions. (Note de Marat)