Page:Marat - Les Pamphlets, 1911, éd. Vellay.djvu/153

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rité ; que lors même qu’un auteur licencieux les aurait attaqués sans motif, sans fondement, sans sujet, le ministère public, dans le gouvernement le plus absolu, ne peut être autorisé à sévir ; c’est à la partie offensée de rendre plainte et de poursuivre. Or, nos lois, toutes barbares qu’elles sont, n’ayant prononcé contre l’écrivain satirique le plus scandaleux, contre le calomniateur le plus effronté, aucune peine capitale, aucune peine flétrissante, les gens du roi pouvaient-ils débuter par un décret de prise-de-corps avec l’ami du peuple, eût-il été coupable de licence et de calomnie ? Que penser du coup d’autorité que les juges du Châtelet se sont permis contre lui, de la prévarication odieuse dont ils se sont rendus coupables ; car ces implacables ennemis ne l’accusent que de fanatisme pour la liberté ; les hommes judicieux le regardent comme un ardent patriote, et les amis de la patrie comme le vengeur des opprimés, le défenseur des droits du peuple, l’avocat de la nation.

Je respecte la vérité, j’adore la justice, et je ne veux que le bien ; mais je ne suis pas infaillible, et mes erreurs peuvent avoir quelquefois des suites fâcheuses, dont l’offensé a droit d’exiger réparation tant que je ne l’ai point faite. Que, d’après notre jurisprudence gothique, le sieur de Joly ait porté plainte, et l’ait suivie, il n’y a rien là que de très naturel. Mais que le procureur du roi et le lieutenant criminel du Châtelet m’aient poursuivi d’office, ou plutôt que, pour avoir tancé le procureur du roi, il se soit érigé en juge dans sa propre cause, qu’il ait sollicité un décret de prise-de-corps, et que le lieutenant criminel l’ait décerné, cela peut-il se concevoir ? Et quels sont donc ces juges si amis de l’ordre, qui s’érigent en vengeurs des lois pour m’opprimer ? un Bachois, un homme violent et atrabilaire, un homme qui a si lâchement abandonné la cause des peuples, et si honteusement figuré dans le parlement Maupeou ; un homme flétri par l’opinion publique dans les jours mêmes de l’esclavage ; un homme contre