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aussi mon renvoi honorable fut-il décidé avant qu’on eût examiné mes papiers. Dans le nombre étaient plusieurs numéros de l’Ami du Peuple, passablement énergiques, et ma dénonciation contre M. Necker. On en lut quelques morceaux. Le marquis de La Fayette me demanda avec instance de ne point la mettre au jour.

À peine chez moi, le premier usage que je fis de ma liberté fut de réclamer mes presses, qui avaient été saisies par le district de Saint-Étienne-du-Mont, de l’ordre de l’administration municipale, pendant mon absence. Quoique je fusse encore sous le décret, je ne craignis pas de me montrer partout, je courus à l’Hôtel-de-Ville, à la mairie, au palais, etc. L’énergie avec laquelle je fis valoir les droits de citoyen, violés en ma personne, triompha de tous les obstacles. Le district de Saint-Étienne-du-Mont, le maire et le tribunal de police s’empressèrent d’accéder à ma demande ; mes presses me furent rendues, et ce qui étonnera sans doute, c’est que le no 57[1] de ma feuille, qui avait motivé la saisie, me fut remis avec les maculatures. C’était là reconnaître solennellement que j’avais eu raison d’attaquer les dépositaires de l’autorité, et consacrer avec éclat le droit qu’a tout citoyen d’écrire librement sur les affaires publiques.

Le bruit de mon retour s’était répandu avec rapidité ; il avait fait la nouvelle du jour. Les sieurs de Brunville et de Bachois en furent instruits des premiers. Depuis un mois je vaquais librement à mes affaires, et ils ne faisaient aucune poursuite. Tout paraissait concourir à mon repos ; on aurait cru que je pouvais enfin dormir sur les deux oreilles ; car, bien que je continuasse à démasquer les manœuvres criminelles des agents de l’autorité ministérielle et municipale, les collègues du sieur de Joly m’envoyèrent un ancien électeur à la ville, pour m’assurer qu’ils étaient disposés à faire lever le décret.

  1. C’est le plus fort de tous ceux que j’ai publiés. (Note de Marat)