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Page:Marat - Les Pamphlets, 1911, éd. Vellay.djvu/159

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Le moment d’attaquer le Châtelet me paraissait favorable. Alarmé des efforts continuels des membres de ce tribunal pour opprimer les amis de la liberté, et sauver les traîtres à la patrie, je brûlai de les dénoncer au public : mais, connaissant trop l’esprit dont de pareils juges étaient animés pour m’abandonner à leur foi, et regardant les décrets lancés contre moi, quelque odieux qu’ils fussent, comme une arme terrible, dont ils ne manqueraient pas de se servir un jour pour me perdre, je pris la résolution de la faire tomber de leurs mains ; je me présentai donc au greffe criminel, et je demandai jour pour subir interrogatoire, pour anéantir toute plainte. Cette démarche m’autorisait à croire qu’aucun décret ne serait plus métamorphosé en prise-de-corps. Tranquille dès ce moment, j’attendis que le lieutenant-criminel me fît assigner ; mais il n’était pas pressé de m’ouïr en publie. Cependant l’odieuse partialité des greffiers, des rapporteurs, des juges dans l’affaire du baron de Bezenval, dans celle de MM. Martin et Duval de Stain, dans la déposition de M. Rivière, et dans les interrogatoires du chevalier Rudledge[1] et du marquis de Favras, me saisirent d’indignation ; j’oubliai ma propre cause pour celle du public, et, comptant pour rien les dangers que je courais, j’invitai les bons citoyens à se porter en foule au Châtelet, à exiger que l’instruction de la procédure se fît à voix haute, et à faire valoir leurs droits. Les juges alarmés prévinrent l’auditoire, ils se soumirent à leurs devoirs ; ensuite prenant conseil de leurs passions, ils se concertèrent avec les muni-

  1. Marat s’occupa beaucoup du procès de Rutledge, notamment dans les nos 85, 86, 87 et 90 de l’Ami du peuple. Plus tard, vers la fin de 1791, un malentendu amena Rutledge à publier contre Marat une brochure, Sommaire d’une discussion importante, à laquelle Marat répondit dans une lettre adressée au club des Cordeliers, publiée par l’Orateur du peuple, t. IX, pp. 164-168, et réimprimée dans la Revue historique de la Révolution française d’avril-juin 1910, pp. 229-233.