Page:Marat - Les Pamphlets, 1911, éd. Vellay.djvu/161

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

journal, comme peu respectueux pour le ministre chéri et pour le chef de la municipalité. Sur une aussi plaisante dénonciation, le tribunal de police me fit assigner devant lui, sous le faux prétexte que ce numéro était contraire aux règlements, et ce qu’il y avait de curieux, le procureur syndic se réservait de prendre contre moi telle conclusion qu’il lui plairait. Le piège était trop grossier pour trouver une dupe : mais je ne savais ce que je devais admirer le plus de la gaucherie ou de l’audace de ce prétendu tribunal, qui s’érigeait en arbitre de la liberté de la presse, et en juge dans sa propre cause, car le maire le présidait. En le récusant, je lui écrivis une lettre[1], où je lui témoignai toute ma surprise, lui fis sentir la barbarie de son invitation par huissier, dans un temps où j’étais sous un décret de prise-de-corps, comme s’il avait voulu m’attirer sous le glaive du Châtelet, et je relevai l’indécence de la menace de faire prendre contre moi telles conclusions qu’il lui plairait, comme s’il était libre d’en prendre d’autres que celles qui découlent de la nature des choses ; si tant est qu’il soit libre d’en prendre même aucune, car les mandataires provisoires de la commune n’étant que de simples administrateurs municipaux, n’ont pas plus le droit de s’ériger en tribunal de police, que leur comité des recherches n’a le droit de s’ériger en tribunal d’inquisition contre les patriotes qui ont favorisé la révolution, ou qui en ont démasqué les ennemis. Le tribunal de police renonça donc à l’espoir de me voir paraître devant lui ; cependant le sieur Boucher d’Argis se concerta avec le procureur-syndic pour me dénoncer à l’assemblée générale des mandataires. Il avait cru me faire trembler, en faisant marcher contre moi les alguasils du Châtelet, soutenu d’un détachement nombreux ; je le remplis de terreur en le démasquant aux yeux du public ; et, quoiqu’il eût

  1. V. Lettre au Tribunal de police (13 janvier 1790), dans la Correspondance de Marat, pp. 121-122.