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Page:Marat - Les Pamphlets, 1911, éd. Vellay.djvu/176

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sans caractère, citoyen sans vertus, sans énergie, sans vues, sans principes, mauvais patriote[1] : un seul acte d’ostentation stoïque l’a porté sur l’autel, d’où cent traits de faiblesse, cent preuves de faux zèle, d’hypocrisie, de trahison, cent attentats n’ont pu encore le faire descendre : petit, ambitieux, vain, timide et rampant, il a renoncé à l’honneur pour la fortune, il immole les devoirs à la faveur, il serait prêt à se couvrir d’infamie si quelque dignité pouvait en être le prix : naguère alliant la sensibilité d’un dévot à la dureté d’un despote, il versa des pleurs en prêtant serment de loyauté dans un acte de perfidie[2].

Aurez-vous plus de confiance dans le commandant-général, ce rusé courtisan, si poli, si doucereux, si souple ; ce petit paladin dont quelques campagnes sans péril ont fait un héros imaginaire, ce philosophe désintéressé, qui s’occupa sans cesse de projets de fortune ; ce prétendu patriote dont l’effusion du plus pur civisme est toujours sur les lèvres ? Il sacrifia la gloire à l’ambition ; appelé à la tête de la milice parisienne, il cacha soigneusement ses desseins ; il affecta de n’avoir point de volonté, crainte de déplaire mais bientôt, suivant ses projets en silence, il s’appliqua à gagner les soldats par sa douceur et ses fausses démonstrations de patriotisme : longtemps il les amusa par des processions, par des bénédictions de drapeaux, des jeux d’enfants. Il les promena de fête en fête. Pour s’étayer de toutes leurs forces, il avait commencé par les tenir unis[3] ; pour s’en rendre maître, il travailla à semer entre

  1. Le 11 juillet, M. Bailly a signé le premier la protestation des États-Généraux contre le Gouvernement. (Note de Marat)
  2. On sait que M. le (sic) Bailly a pleuré comme un enfant le 14 février, jour où le ministre favori a cru devoir réenchaîner toutes les classes de citoyen par un nouveau serment. Était-ce attendrissements ? Était-ce remords ? (Note de Marat)
  3. La garde bourgeoise demandait d’abord d’être distinguée par quelque signe de la garde soldée, il s’y opposa de toutes ses forces, en faisant craindre que celle-ci ne devînt une garde prétorienne. (Note de Marat)