Page:Marat - Les Pamphlets, 1911, éd. Vellay.djvu/175

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vengeance ne peut être remis qu’entre les mains de patriotes qui ont fait leurs preuves, de dépositaires aussi sages que fermes et incorruptibles. Eux seuls doivent composer un tribunal d’État, et c’est devant ce tribunal que les censeurs publics traduiront les agents du peuple qui ont abusé de l’autorité : enfin, lorsque la corruption a gagné tous les départements de l’administration, le seul moyen de rétablir les choses dans l’ordre est de nommer pour un temps court un dictateur suprême, de l’armer de la force publique, et de lui commettre le châtiment des coupables. Quelques têtes abattues à propos arrêtent pour longtemps les ennemis publics, et soustraient pour des siècles entiers une grande nation aux malheurs de la misère, aux horreurs des guerres civiles : maximes bien éloignées de nos préjugés destructeurs. Oui, c’est notre ignorance, notre vanité, notre présomption, notre aveugle confiance, qui nous fait aller au-devant du joug, qui nous livre pieds et mains liés au pouvoir de nos mandataires, de nos serviteurs. Sans lumières, sans mœurs, sans caractère, nous ne sommes qu’un tissu de frivolités, de faiblesses et de contradictions. Nous prostituons la sensibilité et nous méconnaissons le sentiment : nous ne savons pas aimer, et nous sommes idolâtres, nous voulons juger de tout, et nous ne savons rien apprécier ; nous nous engouons de chimères, nous caressons nos ennemis, et nous négligeons nos amis ; nous fêtons les fripons adroits qui conspirent contre nous, et nous dégoûtons les sages qui nous éclairent ; nous adorons les hypocrites qui travaillent à nous perdre, et nous abandonnons les hommes de bien, qui se font anathème pour nous sauver.

Depuis quelque temps, trois hommes encensés sont l’objet de notre administration[1] : mais en est-il un seul qui mérite notre estime, notre attachement, notre reconnaissance ? Voyez le chef de la municipalité ; philosophe

  1. Il faut certainement lire admiration.