Aller au contenu

Page:Marat - Les Pamphlets, 1911, éd. Vellay.djvu/181

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les intrigants qui vous trompent, les fripons qui vous dépouillent, les scélérats qui vous asservissent, sont les hommes qu’il vous faut. Continuez d’adorer le divin Necker, l’héroïque La Fayette, l’immortel Bailly ; prosternez-vous devant ces modèles de civisme, de désintéressement, de vertu ; courez dans les cafés, bavardez sur les papiers-nouvelles, rangez-vous autour d’un poêle ou d’une table, racontez vos exploits, et portez vos chaînes. L’ami du peuple, désolé de votre aveuglement, de votre sécurité, de votre dépravation, n’aura donc vu luire l’aurore de la liberté que pour en déplorer la perte ; renfermant au fond de son cœur ses alarmes, ses regrets, son désespoir, il gémira le reste de sa vie sur votre sort, comme un père tendre gémit sur le sort d’un fils dénaturé.

Grâce à l’enchaînement des circonstances, vous respirez encore ; mais le jour s’avance où le dur joug qu’on vous prépare s’appesantira sur vos têtes, et vous serez livrés à vos oppresseurs. À la vue des scènes sanglantes de la tyrannie, rendus à vous-mêmes par la terreur, vous regretterez les avantages de la liberté que nous avons perdue, vous frémirez de l’avoir foulée aux pieds, vous maudirez votre aveuglement. Mais, hélas ! quel sentiment de tristesse vient déchirer mon âme ? Ah ! s’il reste encore quelque espoir aux amis de la patrie, c’est que la liberté, bannie de nos murs par vos vices, plus encore que par votre ignorance, trouvera un asile dans les provinces, et c’est pour elles surtout que je désire ne pas éprouver le sort de Cassandre.

J’ai fait connaître les chefs des ennemis de la révolution, les principaux artisans de nos malheurs, la source de nos maux, et les moyens de la tarir. Je crois avoir quelques titres à la confiance publique : pardonnera-t-on à mes alarmes, pour le salut de la patrie, de rappeler les principaux ?

Qu’on suive mes dénonciations, même celles qui d’abord furent regardées comme des rêveries, et l’on verra que je