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d’auteur, en février 1789, sous ce titre : Offrande à la Patrie, ou discours au Tiers-État de France, et avec cette épigraphe, empruntée à Horace[1] : Quiquid delirant Reges, plectuntur Achivi[2].

Premier Discours

Mes chers concitoyens,

C’en est fait, le prestige est détruit.

Les voilà donc enfin, ces Ministres audacieux, décriés par leur ineptie, avilis par leurs déprédations, abhorrés par leurs excès, et proscrits par l’indignation publique ! Traîtres à leur Maître, traîtres à leur pays, ils ont, à force de forfaits, compromis l’autorité, et poussé l’État sur le bord de l’abîme.

Naguère encore leurs lâches suppôts répétaient, avec insolence, que les Monarques ne tiennent leur pouvoir que de Dieu et de leur épée[3], qu’ils sont maîtres de leurs sujets,

  1. Épîtres, I, 2, 14.
  2. In-8o de 62 pages ; s. l. ; Au Temple de la Liberté, 1789.
  3. Par une suite de la faiblesse humaine, les Princes ne sont que trop portés à prêter l’oreille à ces funestes maximes, et il n’est pas rare de les entendre répéter, qu’ils ne tiennent leur autorité que de Dieu et de leur épée. Comment ne s’est-il jamais trouvé un Ministre assez courageux pour leur faire sentir l’absurdité de cet adage gothique ? Que pourrait le Monarque seul contre la Nation entière, qui l’a placé sur le Trône, si elle venait à l’abandonner ? Corrompra-t-il l’armée par l’appât du pillage, pour la faire marcher contre ses sujets ? Mais que pourrait la plus nombreuse soldatesque contre une Nation qui voudrait se défendre ? Laissons là ces tristes réflexions. Le temps n’est plus où les Princes disposaient aveuglément des armées : les Militaires sont les défenseurs de l’État, ils le savent, et ils s’honorent de ce titre ; on ne les verra donc plus prêter leur bras pour égorger leurs frères, qui les nourrissent. L’officier surtout rougirait d’être regardé comme une bête