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tres sont décachetées[1] et interceptées à la poste ; nous nous empressons de publier une lettre d’un témoin oculaire, qui nous est parvenue par voie sûre.

De Nancy, le 3 septembre 1790.
Mon cher cousin,

Comme vous n’avez d’autres parents que moi à Nancy, de qui vous puissiez savoir ce qui s’y est passé, je me fais un devoir de vous en instruire. Je vous dirai donc que M. Malseigne y est arrivé samedi 28 du passé ; qu’il s’est d’abord transporté chez le commandant ; que peu après il a fait la visite des troupes de la garnison, et qu’il a fort mal traité les Suisses : il leur a reproché qu’ils ne méritaient pas de porter l’habit du Roi, et d’en manger le pain. Ces propos ayant excité des murmures, il a mis l’épée à la main et a blessé un soldat : puis il s’est échappé, est monté à cheval, et s’est sauvé à Lunéville. À l’instant douze cavaliers de Mestre-de-Camp l’ont poursuivi. Dans l’intervalle, les Suisses se sont rassemblés sur la place royale, de même que la Garde Nationale et le régiment du Roi. En arrivant à Lunéville, M. de Malseigne a répandu l’alarme, une centaine de carabiniers ont été au-devant des cavaliers de Mestre-de-Camp, ont fait feu sur eux ; trois ont été tués, huit faits prisonniers ; un seul a échappé, et est revenu ventre à terre apporter la nouvelle de cette cruelle réception. À six heures du soir, toute la garnison et la garde nationale a marché vers Lunéville ; le dimanche matin ils ont attaqué les carabiniers, en ont tué quelques-uns, et ont ramené leurs prisonniers à Nancy vers les quatre heures du soir. Le lendemain M. Malseigne a tué deux carabiniers dans Lunéville, et a pris la fuite ; vingt-

  1. Une personne attachée à l’Assemblée nationale a reçu deux lettres décachetées. (Note de Marat)