Page:Marat - Les Pamphlets, 1911, éd. Vellay.djvu/288

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les mêmes branches : et un chimiste, un géomètre, un mécanicien, seront toujours des êtres isolés, lors même que leurs trois têtes seraient réunies sous un seul bonnet. Il suit de là que les différentes classes qui composent une académie, n’ont rien de commun entre elles, et que leurs connaissances ne sont pas plus concentrées dans le corps, que si chacune était transportée dans un autre monde ; je le répète, il n’est point de vraie réunion de lumières, tant que les sciences qui se prêtent de mutuels secours, sont cultivées séparément : pour les réunir, il n’est donc qu’un moyen, c’est d’être cultivées par la même tête. En convenant que les associations académiques ne peuvent rien pour les progrès des lumières qui résultent du concours des différentes sciences, on inférera sans doute que chaque science du moins doit beaucoup gagner par la réunion des membres qui la cultivent, et que c’est avec sagesse que les sociétés savantes se sont partagées en différentes classes pour cultiver séparément chaque branche. Mais pour qu’une science gagnât quelque chose au concours des membres qui la cultivent, il faudrait qu’ils concourussent de bonne foi à l’étendre. Le supposer, c’est leur faire plus d’honneur qu’ils ne méritent. Rien ne les porte à ces concours, ou plutôt tout les éloigne : éloignement qui a son principe dans le cœur même de l’homme. Ainsi loin de travailler à finir ce qu’un autre a commencé, chacun s’isole et recommence l’ouvrage ; il n’est pas jusqu’au plus piètre auteur qui ne soit jaloux de ses piteuses productions, et comme il ne s’agit plus que de n’être pas confondu dans la foule, au lieu de chercher à mieux faire que les autres, on se contente de faire différemment. Manie funeste, devenue la source intarissable de ce déluge d’écrits futiles et ridicules, dont nous sommes inondés, et qui finiront par nous ramener à la barbarie.

Voilà des défauts essentiels de toute association nombreuse, parce qu’ils tiennent à l’ignorance de la multitude : en voici qui découlent de ses penchants.