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Lettre XI

Tu veux donc à toute force des particularités sur chacun de ces Messieurs ? Depuis vingt ans que je les vois, j’ai eu le temps de les connaître à fond, et je pourrais au besoin les peindre trait par trait : mais crainte de médire, je me contenterai de te parler de ceux qui se distinguent le plus dans chaque classe.

Mathématiciens. Au nombre des meilleurs sont Laplace, Monge et Cousin[1] : espèces d’automates, habitués à suivre certaines formules, et à les appliquer à l’aveugle, comme un cheval de moulin à faire certain nombre de tours avant de s’arrêter.

Monge est célèbre par son bonheur : car c’est être heureux que d’avoir obtenu la place d’examinateur des élèves du génie, pour avoir appris à compter au maréchal de Castries.

Cousin est illustre par son physique de crocheteur et un estomac de fer.

Laplace est fameux par sa jolie moitié, et surtout par sa vue de lynx ; il a vu, à travers une couche de 15 000 lieues d’épaisseur, que le noyau de la terre est d’une densité moyenne.

Chimistes. Les plus vantés sont Sage[2], Beaumé[3], Cornette[4], infatigables manipulateurs, auxquels le ciel accorda le talent d’humecter, de sécher, de calciner, de dissoudre, de décanter, et auxquels il refusa celui de bien voir et de bien raisonner.

  1. Cousin (Jacques-Antoine-Joseph), 1739-1800.
  2. Sage (Balthazar-Georges), 1740-1824.
  3. Baumé (Antonin), 1728-1804.
  4. Cornette (Claude-Melchior), 1744-1794.