Page:Marat - Les Pamphlets, 1911, éd. Vellay.djvu/33

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à découvert le nouvel abîme où il venait de précipiter la Nation[1].

Mes chers Concitoyens, que le passé vous serve de leçon pour l’avenir ; armez-vous de prudence, et soyez sévères sur le choix de vos Représentants à l’Assemblée nationale, comme vous le seriez aujourd’hui sur le choix d’un ministre d’État.

Écartez de l’arène la jeunesse imprudente et fougueuse, les hommes affichés par leur légèreté et leur enjouement, les hommes portés à la dissipation, au faste, à la débauche, à l’avarice, à l’ambition.

Lumières et vertus, voilà les qualités indispensables d’un Représentant du Tiers-État. N’élevez à cette dignité que des hommes d’un sens droit, d’une probité reconnue, et dont les talents ne soient pas équivoques ; des hommes zélés pour le bien public, versés dans les affaires, et dont les intérêts soient inséparables des vôtres ; des hommes graves, d’un âge mûr, ou dont la vieillesse respectable couronne une vie sans reproche. Et afin que leur vertu soit à couvert

  1. On dit qu’il s’est réfugié à Rome, où il attend le chapeau de cardinal pour prix de ses attentats : on assure même qu’il a la parole du Roi. Quoi ! la pourpre romaine deviendrait la récompense de l’ineptie, de l’inconduite et des forfaits ? Mais où est le Monarque assez dépourvu de bon sens pour consommer cet odieux mystère ? Et ce serait Louis XVI, le Père du Peuple, qui en donnerait le scandale au monde entier ! Loin de nous ces bruits ridicules. Trop sage, trop vertueux pour récompenser des crimes, le Roi n’ignore point qu’après un pareil exemple, une Nation judicieuse ne pourrait plus avoir de confiance dans son chef. Il est vrai qu’il a d’abord soustrait le coupable au chatiment, et ce fut bonté compatissante ; mais aujourd’hui qu’il est instruit, il fera paraître à l’Assemblée des États ce serviteur infidèle, pour rendre compte de sa conduite, et il sollicitera lui-même la vengeance des lois. Là aussi s’est vanté de paraître cet autre déprédateur, qui a cherché un asile en Angleterre, administrateur doublement criminel, et d’avoir livré au pillage le Trésor public. et d’avoir fait passer chez l’étranger le fruit de ses propres rapines. Puissent-ils y recevoir tous deux la peine due à leurs forfaits ! (Note de Marat)