Page:Marat - Les Pamphlets, 1911, éd. Vellay.djvu/39

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Stadhouder, replacé sur le trône, devient plus puissant que jamais. Bientôt son ressentiment contre la France, son amitié pour l’Angleterre, sa reconnaissance envers la Prusse, forment et cimentent la triple alliance. Alliance fatale à la Nation, et qui l’aurait déjà mise à deux doigts de sa perte, si le Ciel, jetant sur elle un regard de pitié, n’avait enchaîné les forces de ses ennemis par une saison rigoureuse, et par l’absence d’esprit de Georges III[1].

Ô ma Patrie, ma chère Patrie ! toi que la nature a pris plaisir à combler de ses dons, quelle est ta destinée, quand la faveur et l’intrigue nomment tes conducteurs, s’il faut aujourd’hui que tu portes envie aux peuples de ces contrées sauvages à qui le ciel semble avoir tout refusé ! toi que l’on comptait autrefois à la tête des nations florissantes et redoutables, à quel degré d’abjection je te vois réduite ! À peine comptée dans le système politique de l’Europe, sans force, sans nerf, sans appui, te voilà livrée sans défense aux entreprises de tes ennemis, maîtres d’insulter impunément à tes malheurs, maîtres de te démembrer, maîtres de te faire disparaître d’entre les puissances. Et, comme si le poids de tes maux n’était pas assez accablant, de nouveaux malheurs te menacent encore : les Corps chargés de l’exécution des lois aspirent à l’indépendance ; la Noblesse et le Clergé se séparent de toi, tu es prête à être déchirée par tes enfants, et livrée aux horreurs d’une guerre civile[2]. À la vue de tant de calamités, de quels remords cuisants ne

  1. Peut-on douter du ressentiment des Anglais et des Hollandais, et peut-on douter qu’ils ne nous eussent déjà enlevé nos colonies, sans la maladie de Georges III, et les rigueurs de l’hiver ? (Note de Marat)
  2. Liés par le sang et des intérêts communs, le Clergé et la Noblesse ne font qu’un Corps, toujours prêt à s’élever contre le peuple ou le monarque. L’odieuse résistance qu’il oppose actuellement au vœu de la Nation et aux desseins du Roi, devrait faire sentir au gouvernement combien c’est une politique dangereuse que de réunir dans les mains d’une seule classe de sujets tous les