Page:Marat - Les Pamphlets, 1911, éd. Vellay.djvu/40

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

doit pas être déchiré le sein de ceux qui t’ont donné d’aussi indignes administrateurs ? Réveillé par les cris de la discorde, ton chef tourne avec effroi ses regards vers toi ; il regrette avec amertume le malheur de s’être reposé des soins du Gouvernement sur des Ministres infidèles ; il déplore l’abus qu’ils ont fait de son autorité, il voudrait tenir seul les rênes de l’État : mais accablé sous la multitude des fonctions du Ministère, sous le poids des affaires publiques, il sent que pour remplir les devoirs sacrés du trône, les forces d’un mortel ne suffisent pas. Il sent que le despotisme, toujours à charge à lui-même, finit par tout détruire, et qu’un gouvernement modéré sert d’asile même au Despote, dans les temps de confusion et de trouble ; il sent

    emplois, de verser sur elle toutes les grâces, et de lui remettre ainsi des forces qu’elle tourne enfin contre ses bienfaiteurs.

    Les voilà conjurés avec les Parlements contre l’État, et déterminés à le plonger dans les horreurs d’une guerre civile, plutôt que de se relâcher de leurs injustes prétentions.

    Ils calculent leurs forces ; mais au lieu de compter leurs têtes, ils comptent les légions de mercenaires dont ils croient pouvoir disposer avec de l’argent. Beau calcul ! si le peuple venait aujourd’hui à les traiter comme leurs aïeux traitèrent autrefois les malheureux habitants des provinces qu’ils envahirent ; s’il commençait par piller leurs maisons, et se partager leurs terres. Comment ne sentent-ils pas que, lorsque le frein des lois est rompu, un chef ne peut compter un instant sur des stipendiés, maîtres de mépriser ses ordres, de l’égorger lui-même, et de ravir ses dépouilles ? Comment ne sentent-ils pas que bientôt écrasés par le nombre, ceux qui auraient échappé au fer seraient réduits à fuir comme des proscrits, ou à gémir dans les liens ? Comment ne redoutent-ils pas les jeux de la fortune, lorsqu’une nation belliqueuse a les armes à la main ? Qui peut répondre que le propriétaire ne sera pas à son tour attaché à la glèbe ? Qui peut répondre qu’un prélat, un comte, un marquis, un duc, un prince ne sera pas à son tour assujetti à son laquais ou à son palefrenier ? Considérations bien propres à faire trembler les oppresseurs, et à faire sentir aux grands et aux riches qui jouissent paisiblement de tous les avantages de la société, de ne pas pousser au désespoir un peuple immense et courageux, qui ne demande encore qu’un soulagement à ses maux, qui ne veut encore que le règne de la justice. (Note de Marat)