Page:Marat - Les Pamphlets, 1911, éd. Vellay.djvu/52

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

prérogatives augustes de la Couronne, que de ne pas lui attribuer les moyens de ruiner la nation, et d’opprimer les sujets. Mais quel prince pourrait ambitionner de tels privilèges ? Quel prince oserait les réclamer ? Et peut-on douter que Louis XVI n’applaudisse lui-même aux généreux efforts de la Nation pour sortir d’esclavage, et à sa ferme résolution de recouvrer sa liberté, par tout ce qu’il a fait pour rompre les fers des Insurgents ; à moins de prétendre que lui seul a le droit de tyranniser les Peuples ? Prétention insensée, que son cœur bienfaisant repousse avec horreur.

Ainsi l’intérêt du Roi, la sûreté de sa couronne, et l’affection de ses sujets, sont autant de puissants motifs qui le pressent de consacrer les lois fondamentales du royaume : ajoutons son amour pour ses peuples, son zèle pour le bien public, et la douceur qu’il goûtera en se reposant désormais du contrôle des fonctions du Ministère, sur le Conseil national, seul jaloux de la prospérité de l’État et de la gloire du monarque.

Que si, contre toute justice et contre toute apparence, le Gouvernement subjugué par des conseillers perfides refusait de ratifier solennellement ces lois fondamentales, sans lesquelles la France ne se relèvera jamais, il reste à la Nation un moyen décisif pour le ramener à la raison, c’est de lui refuser tout secours, de défendre dans chaque province la levée des impôts, et de sévir avec rigueur contre tout délinquant. S’exposera-t-il à révolter les esprits par un refus injuste, qui pourrait allumer une guerre civile, et renverser le trône ? S’exposera-t-il à inviter les puissances étrangères à en agir envers la France comme la France elle-même en a agi envers les Insurgents ? Exemple terrible, qu’il doit sans cesse avoir sous les yeux ; et d’autant plus terrible, que l’Angleterre avait encore des armées à envoyer contre ses colonies, au lieu que le Gouvernement français n’en aurait point à faire marcher contre la Nation. Une défection soudaine lui enlèverait bientôt tous les militaires citoyens, tous les militaires dignes d’estime, qui refuse-