Page:Marat - Les Pamphlets, 1911, éd. Vellay.djvu/53

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raient d’assassiner leurs frères ; et où prendrait-il de quoi payer les vils mercenaires qui lui resteraient attachés ?

Grâces au Ciel, nous n’avons pas ce malheur à redouter : le ministère actuel est composé d’hommes sages et vertueux : affligés eux-mêmes des calamités publiques, ils désirent sincèrement que l’œuvre de justice soit enfin consommé.

En attendant ce jour si désiré, où la nation, livrée aux transports de sa joie, pourra s’écrier : Je suis libre ! quelle émotion délicieuse coule dans mes veines, et pénètre mon cœur !

Ô ma Patrie, que je te vois changée ! Où sont ces malheureux dévorés par la faim, sans foyers, sans asiles, et livrés au désespoir, que tu semblais repousser de ton sein ? Où sont ces infortunés à demi-nus, épuisés de fatigue, pâles et décharnés, qui peuplaient tes campagnes et tes villes ? Où sont ces essaims nombreux d’exacteurs qui fourrageaient tes champs, bloquaient tes barrières et ravageaient tes provinces ?

Le peuple ne gémit plus sous le poids accablant des impôts. Déjà le cultivateur a du pain, il est couvert et il respire ; déjà l’ouvrier et le manœuvre partagent le même sort ; déjà l’artisan ne souffre plus du besoin, et le ministre assidu des autels ne languit plus dans la pauvreté.

Du temple de la liberté jaillissent mille sources fécondes. L’aisance règne dans tous les états ; l’amour du bien-être anime tous les cœurs. Sûr de recueillir le fruit de son travail, chacun s’évertue et cherche à se distinguer : les arts se perfectionnent, les ateliers se montent, les manufactures prospèrent, le commerce fleurit ; la terre enrichit ses possesseurs, ils connaissent l’abondance ; et une multitude d’époux qui sacrifiaient la postérité à la peur de l’indigence ne craignent plus de te donner des enfants.

Que de nouveaux bienfaits accordés à tes vœux ! Des lois odieuses ont fait place à des lois justes, mais inflexibles. Déjà le crime ne compte plus sur l’impunité, l’innocence