Page:Marat - Les Pamphlets, 1911, éd. Vellay.djvu/73

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qu’elle s’étende à tous les départements, moins encore à la refonte des lois criminelles, au rétablissement des jurés, à la proscription des coups d’État ! Comment se permettre d’en douter encore après la déclaration expresse du Monarque[1] ? D’en douter ? Et ne voyez-vous pas qu’elle doit se borner à l’établissement d’un ordre constant et invariable dans toutes les parties de l’administration ? ce qui réduit en fumée tous ces beaux projets ; car cet ordre constant et invariable, toujours dépendant de la volonté du Ministre dans chaque département, sera bouleversé à la première mutation, et peut-être ne durera-t-il pas deux jours.

Proposer un pareil établissement, c’est ne rien faire pour le soulagement des peuples, pour le bonheur de la Nation. Comment donc ressentirions-nous à jamais les effets salutaires que nous avons droit d’attendre de l’Assemblée des États-Généraux ?

« Le sage, s’il en est sur le trône, renonce à l’empire, ou le partage ; il consulte ses forces, et mesure sur elles les fonctions qu’il veut remplir. » Mais ce que ferait le sage n’est point ce que fera le gouvernement. Il veut le bien, dit-on, je le crois. Quelle illusion cependant de s’imaginer qu’il sacrifiera à ses devoirs, au salut de l’État,

  1. Depuis la publicité des lettres de convocation, mes espérances sont un peu moins vives, mais je n’ai point changé de sentiment sur le compte de l’homme d’État qui est à la tête des Finances. Il s’en faut de beaucoup qu’il soit le maître d’arranger les choses au gré de ses désirs, en butte, comme il l’est, à l’horrible conjuration du Clergé, de la Noblesse, des Parlements et de la Finance. D’ailleurs on lui doit beaucoup de reconnaissance pour la manière dont il remplit tous les devoirs de sa place, et, sans sa vigilance extrême, peut-être la famine aurait-elle désolé la capitale.

    Au reste, si sa vertu venait un jour à se démentir, je cesserais à l’instant d’être son apologiste ; mais ce qui ne changera point en moi, c’est mon zèle pour la Patrie, c’est mon amour pour la justice et la liberté. (Note de Marat)