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Page:Marat - Les Pamphlets, 1911, éd. Vellay.djvu/74

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au bonheur des peuples, l’amour d’un pouvoir illimité ; qu’il circonscrira son autorité dans des bornes légitimes ! Au lieu de nous rendre la liberté, la paix, le bonheur, on cherchera donc de petits palliatifs à nos maux, et on nous proposera quelque légère réforme.

Ce que vous ne sauriez obtenir de la vertu, mes Concitoyens, vous pouvez l’obtenir de la nécessité. Je l’ai dit[1], et je ne saurais trop le redire ; point de salut pour l’État, point de bonheur pour ses membres, sans un Conseil suprême, permanent, et chargé de donner de bonnes lois à la Nation, d’établir les droits des citoyens, de circonscrire l’autorité du Prince, et de surveiller les Ministres : ce qui nous ramène à la souveraineté des assemblées nationales, comme à la seule forme d’une constitution légitime, sage et heureuse.

Rejetez donc hautement le mode de procéder par cahiers ; mode vicieux qui anéantirait la liberté laissée en apparence aux États, rendrait nulles leurs délibérations, et remettrait le sort des peuples à la décision du Cabinet. Malheur à qui se repose sur de vaines promesses : la réforme des abus ne sera effective, et vous ne rentrerez dans vos droits, qu’autant que vos députés transigeront solennellement avec le Monarque. Sans cela, dût-il accéder à toutes vos demandes, et les confirmer par autant d’édits, il n’y aurait rien de fait pour votre repos. Bientôt un nouvel édit anéantirait ces vains titres. Vous vous seriez dépouillés pour secourir le Prince, et vous vous retrouveriez enfin plus malheureux que jamais.

Ainsi, sans la ferme résolution de n’écouter aucune proposition sur l’article des impôts, et de n’accorder aucun secours au Gouvernement, qu’il n’ait consacré d’une manière solennelle les lois fondamentales du royaume, vous êtes perdus sans retour. Cette ferme résolution, vous

  1. Voyez le cinquième Discours de l’Offrande à la Patrie. (Note de Marat)