Page:Marat - Les Pamphlets, 1911, éd. Vellay.djvu/77

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car lors même qu’il ne leur serait pas contesté par le Monarque, sur qui feraient-ils tomber le choix ? Partagés comme ils le sont en trois Ordres, qui n’ont ni les mêmes intérêts, ni les mêmes vues, chacun d’eux réclamerait la prééminence ; bientôt l’Assemblée nationale, agitée par la discorde, dégénérerait en cohue tumultueuse, et le bien public serait sacrifié à de vains débats. Ainsi, en vertu de l’usage antique, les États-Généraux seront présidés par le premier Prince de la Maison royale, ou par le premier Officier de la Couronne. Laissons donc à la couronne la prérogative de les faire présider, et occupons-nous des objets qui seront mis en délibération.

C’est ici, mes chers concitoyens, que paraîtront au grand jour les projets du Cabinet, et c’est ici que doit briller la sagesse de vos Députés.

On ne cesse de nous prêcher la subordination[1], en nous recommandant de nous presser autour du trône, de nous confier à nos défenseurs naturels. Sans doute il ne faut ni suspecter les vues salutaires de l’administration, ni accuser la sagesse du Monarque, ni repousser la main tutélaire du Gouvernement ; mais ce sont les actions seules qui manifestent la pureté des intentions, et c’est aux bienfaits que se reconnaît le bienfaiteur.

  1. Point de liberté sans ordre, nous dit-on ; point d’ordre sans subordination ; point de subordination sans autorité ; point d’autorité sans un Législateur provisoire. Or, en France, le Législateur provisoire, le fondé de procuration par l’État, le représentant suprême, le mandataire universel de la Nation dispersée, c’est le Monarque. Fort bien ; mais avec ces quatre mots, ordre, subordination, autorité, législateur provisoire, la Nation liée par son chef sera précipitée dans l’abîme.

    Au demeurant, ne confondons point les cas ; il ne s’agit point ici de la marche ordinaire d’un Conseil, mais d’un traité de la Nation avec son chef, puisqu’elle est réduite à capituler avec lui : or, ce traité une fois conclu solennellement, les délibérations de l’Assemblée nationale prendront un cours réglé, par la police qu’elle aura établie. (Note de Marat)