Page:Marat - Les Pamphlets, 1911, éd. Vellay.djvu/78

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Si le Gouvernement n’a en vue que le bonheur des peuples, il doit lui être indifférent que l’on commence à délibérer sur un point plutôt que sur un autre point, lorsque tous deux vont également au bien public ; ce qui ne serait pas indifférent à la Nation. Que dis-je ? Si le Gouvernement n’a en vue que le bonheur des peuples, il doit se hâter d’apporter remède aux maux les plus pressants et d’en extirper la cause. Au lieu de commencer par rompre les fers de la Nation, par en assurer la liberté et le repos, s’il débutait par proposer l’examen des finances, par chercher à faire consentir des impôts, pour combler le déficit, acquitter la dette publique et remplir le trésor ; s’il opposait des subterfuges ou une résistance opiniâtre au vœu de l’Assemblée ; s’il prétendait faire marcher ses intérêts particuliers avant le salut de l’Empire : serait-ce manquer de respect au Législateur provisoire, que de refuser d’aller en avant ? Serait-ce s’arroger une autorité perturbatrice, que de ne pas se soumettre à l’autorité providentielle du Mandataire universel de la Nation dispersée ? Serait-ce arborer l’étendard de la révolte sur les remparts de la liberté[1], que d’opposer aux desseins du Cabinet une fermeté invincible ?

Et qu’on ne dise pas que les besoins urgents de l’État forceront le Gouvernement de suivre cette marche ; on a si tôt terminé les plus grandes affaires, lorsqu’elles doivent faire le bonheur de ceux à qui on les propose ! Or, que

  1. L’écrivain estimable (et à plus d’un titre) dont j’ai cité quelques mots, s’est élevé avec raison contre les gens d’un parti qui ne considèrent qu’une chose ou qu’un moment : il a cherché à combiner l’ensemble et l’avenir, et il a cru embrasser tout le tableau ; mais ne pourrait-on pas lui reprocher de n’en avoir examiné qu’un seul coin ? Je l’invite à reprendre sa plume éloquente, à développer un peu plus ses idées, et à joindre ses efforts à ceux des vrais amis de la Patrie, pour achever de fixer l’opinion publique sur quelques points d’où doit dépendre le salut de l’État. (Note de Marat)