Page:Marat - Les Pamphlets, 1911, éd. Vellay.djvu/96

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Quand on a le malheur de penser d’après soi, de former son jugement sur les hommes et sur les choses d’après ses propres observations ; de ne point se laisser éblouir par de faux dehors, par le clinquant des vanités mondaines, et d’avoir secoué tous préjugés, excepté ceux de l’honneur, on trouve fort simples mille événements que les autres admirent, et on admire mille événements que les autres trouvent fort simples. Mais c’est un phénomène toujours fait pour piquer la curiosité, que celui d’un simple commis de banque élevé au ministère ; et il suffirait seul pour faire l’éloge du parvenu, si le mérite était la cause de son élévation.

Il y a douze ans que l’on ne connaissait encore M. Necker que comme banquier, mais banquier opulent. Son opulence qui lui attirait une si grande considération dans le monde, n’était à mes yeux qu’un titre de mépris ; j’en connaissais la source impure : elle vient de l’agiotage[1], métier indigne

    débarrasser complètement. Quoi qu’il en soit, il est certain que des ordres secrets, émanés des ennemis publics, m’ont enlevé tous les moyens de repousser la calomnie, tous les moyens de publier ma défense, puisque tous les imprimeurs de la capitale reculent à l’ouïe de mon nom. M. Necker a l’autorité en main, et il est tout puissant auprès de la municipalité : c’est de lui que j’attends la justice de faire lever ces ordres tyranniques. S’il refusait, ou s’il différait simplement d’accéder à ma juste demande, il confirmerait lui-même les soupçons, sans doute injurieux, que les bons citoyens ont conçus contre lui. (Note de Marat)

  1. Sur treize à quatorze millions qu’il possède, les dix-neuf vingtièmes appartiennent de bon jeu aux pauvres actionnaires qu’il a réduits à la mendicité.

    Qui n’a jamais entendu parler des tours de bâton qu’il a employés pour discréditer les billets du Canada, les accaparer à 65 et 70 pour cent de perte, peut consulter l’éloge de Colbert, par M. Pelissery.

    Qui n’a jamais entendu parler des tours de bâton qu’il a employés pour s’enrichir en consommant la ruine de la Compagnie des Indes, peut consulter deux Mémoires contenus dans un ouvrage intitulé : Théorie et Pratique de M. Necker dans l’administration des finances. (Note de Marat)