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Page:Marbeau Le charme de l histoire 1902.djvu/122

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le charme de l’histoire

Avérous, chapelier, et deux autres officiers des autorités, arrivèrent pour nous faire sortir. Nous étions seize. On nous fit descendre chez le concierge ; Avérous était un peu saoul, et il crut devoir faire une phrase à chaque incarcéré. Son compliment pour moi fut trop singulier pour ne pas le consigner ici : « Citoyen Dufort, le peuple, par une acclamation unanime, t’a rendu à la liberté ; je suis chargé de te dire de te conduire toujours comme tu t’es conduit, en honnête homme » (II. 244).

Le premier usage que Dufort fait de sa liberté est d’aller avec ses enfants se promener au clair de la lune sur le bord de l’eau. Puis il rentre dans sa petite maison, et là, le malheureux, qui, plus que jamais, aurait voulu passer inaperçu, trouve toute la ville, accourue pour le féliciter. Il apprend que les habitants de Cour et de Cheverny, dont, à plusieurs reprises pendant sa captivité, il avait été obligé d’arrêter le zèle et les démarches en sa faveur, ont décidé de venir en masse au devant de lui jusqu’à moitié chemin de Blois. Il s’empresse de leur faire dire qu’il les supplie de rester chez eux, qu’il séjournera encore plusieurs jours à Blois et qu’il arrivera à Cheverny la nuit, à l’improviste. À Blois il essaie de se promener ; les passants viennent à lui ; des gens qu’il n’a jamais vus lui prennent les mains, l’embrassent, pleurent, gémis-