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le charme de l’histoire

d’une voix éteinte, mais en prononçant clairement chaque mot, fait sa prière. Elle arrive jusqu’à l’amen, tombe en arrière, pousse un soupir et meurt.

« Que de simplicité dans la mort ! s’écrie M. de Justh. L’homme ingénu, tout en sentiments, est-il donc toujours plus grand que nous dans les moments décisifs de la vie ? »

L’enterrement a lieu le lendemain. Les habitants des tanyas du voisinage se sont rassemblés autour de la maison mortuaire. « Le révérend commence l’oraison funèbre… La foule écoute attentivement. Chacun semble préoccupé du sort auquel l’expose sa solitude dans la Pousta, loin de toute habitation, en été comme en hiver, dans le malheur comme dans la joie, seul avec les étoiles, avec les herbes, avec la terre, avec lui-même. Et tous ces solitaires sont venus ici pour entendre la parole de Dieu et prendre congé de ceux qui ne sont plus seuls ! »

À côté de ces scènes poignantes, d’autres sont riantes et gaies. Midi nous décrit les bords du lac Gyaparos par un chaud jour d’été. Le tableau est aussi saisissant et aussi intense que la célèbre pièce de vers de Leconte de Lisle. Mais, au lieu d’une nature endormie et lourde regardée par l’adorateur découragé du Néant divin, M. de Justh nous peint l’énergie d’une vie puissante, excitée par l’ardeur frémissante du soleil. Tous ces baigneurs sont