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le livre de la pousta

heureux de vivre, heureux de se sentir nus et enveloppés de chaleur et de lumière.

Une autre fois (Foins coupés), c’est une csarda (cabaret), où s’éveille la chanson, « l’âme du peuple », nous dit M. de Justh ; où se danse le csardas (danse de cabaret), cette danse nationale de la Hongrie, dont les figures sont toujours improvisées. « Chaque jeune homme tourne autour de sa Paire, la jeune fille qu’il mènera bientôt devant le curé, ou celle qui l’aide à « sucer le miel du bonheur défendu ». Le csardas est impétueux ; le tsimbalom chante, le violon gémit dans le grondement de la contrebasse… D’abord la mélodie se répand avec lenteur ; la danse affecte une marche posée. Puis les accords s’accélèrent et les talons se rejoignent plus fréquemment. Mais les danseurs restent graves, même dans leur joie débordante. Car ils savent qu’elle est toujours amère, la chanson qui célèbre l’amour et le bonheur, longue et mélancolique chanson dont le refrain est toujours le même : le cœur brisé de chagrin, mis dans la terre noire !

« Là-bas un gars danse seul. Il se tient devant les tsiganes, le bras levé, mêlant parfois ses cris aux accents de la musique. Sa belle humeur l’en­traîne. Il fait sonner les éperons de ses bottes, brandit en l’air ses larges manches, rabaisse sur ses yeux son chapeau orné de cheveux de l’orpheline (plante sauvage de la Pousta), et, lentement, plein