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la rochefoucauld et la comtesse diane

des âmes elles-mêmes de porter fièrement la ruine, parce qu’elles sentent sans cesse leur dignité menacée par la misère » (65). — Et plus loin : « Il y a dans la générosité même une raison de ne pas pardonner à celui qui, en nous ruinant, nous a privé du bonheur de donner ; cette générosité entravée chaque jour se retourne contre lui pour le faire maudire » (134).

Le bonheur de donner ! Nous retrouverons souvent dans les Maximes de la vie cette expression charmante. Donner est certainement une des plus grandes joies de ce monde, un des plus doux privilèges de la fortune. L’art de donner est, avec l’art plus difficile encore peut-être de recevoir, un des sujets que la Comtesse Diane a observés avec le plus de pénétration et traités avec le plus de délicatesse.

La Rochefoucauld avait dit : « Assez de gens méprisent le bien, mais peu savent le donner » (301). La Comtesse Diane cherche la cause de cette disposition singulière et cependant si commune : « Les caractères faibles se laisseront piller, mais ils ne seront jamais généreux ; il faut prendre sur soi pour donner » (97). Conséquence étrange de la faiblesse ! C’est par faiblesse qu’on gaspille sa fortune ; c’est par faiblesse aussi que l’on ne sait pas faire l’effort de la bien employer ! Et cet effort, quand on le fait, on ne sait pas le pousser jusqu’au bout. Voyez ce que dit encore la Comtesse Diane : « Qui