Aller au contenu

Page:Marbeau Le charme de l histoire 1902.djvu/311

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
305
la rochefoucauld et la comtesse diane

du premier guéri : elle ne songe qu’à l’autre, à celui qui a été trahi, à celui qui aimait, à celui qui souffre : « D’abord on n’aime plus ; longtemps après on arrive à n’aimer pas, c’est alors qu’on cesse de souffrir » (Maximes, p. 122). La phrase, ainsi formulée en termes généraux, n’est vraie pour l’amour que s’il n’est pas une galanterie, s’il est réellement l’amour. Mais comme elle est vraie alors ! Elle est vraie aussi pour l’amitié, pour toutes les autres affections vives et sincères que vient à briser la trahison ou l’indignité !

Que la mort frappe l’un des deux amants : La Rochefoucauld écrira cette Maxime qui peut-être était juste de son temps, mais qui n’est plus que choquante aujourd’hui, tant elle s’éloigne de nos mœurs : « La plupart des femmes ne pleurent pas tant la mort de leurs amants pour les avoir aimés que pour paraître plus dignes d’être aimées » (362). L’indifférence et les calculs de l’égoïsme, c’est là ce qu’il suppose ; c’est là ce qu’il aperçoit, parce que c’est là ce qui l’intéresse. La Comtesse Diane dira : « Tout être aimé a perdu le droit de mourir » (Glanes de la vie, p. 108). « Quand on a perdu l’être aimé, on ne tient plus à sa propre vie : on ne s’aime plus soi-même qu’en souvenir de lui, en respect de ce qu'il aimait » (Maximes. p. 85). Elle ajoute, et ceci montre qu’à ses yeux l’amour, comme toute autre affection d’ailleurs, parait loin de